Gérard Krawczyk

Un pastiche, pour commencer…Gérard Krawczyk

Quelle surprise admirative lorsqu’on découvrit cet étonnant court métrage inspiré d’une nouvelle de Woody Allen, «The subtle concept». Il y avait un détective privé, imper et chapeau mou, dans un bureau miteux, sa fenêtre donnant sur les néons de Manhattan. La musique, les cadrages, les éclairages, tout ressemblait si parfaitement à une série noire hollywoodienne des années 40 que chacun s’y trompait. Et pourtant c’était un film de fin d’études de ‘Idhec, signé Gérard Krawczyk. Confection 100ù hexagone. Le pastiche était parti. Krawczyk le surdoué signa encore un court métrage humoristico-policier, «Homicide by nigth», avant de se lancer dans la dangereusement adaptation du fameux roman de Ben Hecht, « Je hais les acteurs ». Scénaristes réputé d’Hollywood, Ben Hecht avait écrit ce bouquin impitoyable un peupour se venger des nababs et autres agents des grands studios. Le ton est mordant, les cibles transparentes, les situations irrésistiblement drôles. Et alors, il s’est passé ce qui se passe toujours lorsqu’un réalisateur s’empare d’un livre fétiche : les administrateurs de celui-ci s’empressent aussitôt de dénigrer le film qui en est tiré. C’est ainsi que «Je hais les acteurs», n’a pas reçu l’accueil mérité. La comédie bizarroïde sort trop des sentiers battus et pourtant Gérard Krawczyk a fait du bon travail, et ses acteurs sont épatants.

Jacques Doillon

Jacques DoillonLe clinicien des couples.

C’est François Truffaut qui nous l’a présenté par un article dans Pariscope, où il reconnaissait comme membre de sa famille l’auteur des «Doigts dans la tête». «Petit films, comme on dit, en noir et blanc, ce coup d’essai était et reste (il tient remarquablement bien le coup) comme une oasis rafraîchissante dans le cinéma français. Parce que ses jeunes acteurs semblaient pris sur le vif, on s’empressa de rattacher Doillon à une nouvelle école du naturel. Horrible malentendu! En fait, si étonnant que cela puisse paraître, il venait du film «militant» («L’An 01») et allait se tourner immédiatement vers le psychodrame intime. D’abord, «La femme qui pleure», avec la si émouvante Dominique Laffin. Une affaire de couple et de triangle, pas comme sur la scène d’un théâtre, mais comme pouvaient la vivre des jeunes gens des années 70. En voyant le film, on s’y connaît encore. Jacques Doillon conquit un public plus large avec «La drôlesse», grâce à sa présentation au Festival de Cannes, où il ne recueillit pourtant qu’un prix de consolation inventé pour la circonstance. Qu’importe! L’histoire de la fillette enlevée et séquestrée par un simple d’esprit, brodée sur un fait divers découvert dans le journal, avait tout pour émouvoir : l’amour balbutiant de ces êtres handicapés, de ces enfants maladroits, c’est du COUSU main pour les cœurs sensibles. N’empêche, c’était aussi du grand cinéma. Et quand Doillon, entre-temps, adapte le best-seller de Joffo «Un sac de billes» c’est encore un exercice de mise en scène, de maîtrise de l’espace, de direction attentive des acteurs. L’événement décisif est la rencontre de Jane Birkin, dont il fait sa «Fille prodigue», épure dramatique de la frustration amoureuse entre une jeune femme et son père, admirable Piccoli. L’angoisse secrète de Jane, longtemps dissimulée sous une image frivole, entre en osmose avec l’inspiration tourmentée de Jacques Doillon. L’insuccès commercial de «La fille prodigue» l’empêche de tourner pendant longtemps, si ce n’est quelques travaux télévisuels. Le temps qu’il faut pour monter un projet ambitieux, fatalement destiné à déplaire : «La pirate». A Cannes, ce sera la curée. Immédiatement, le réalisateur tournera «La vie de famille», consacré (encore) aux rapports père-fille, avec Sami Frey. Et puis, avec «La tentation d’Isabelle», c’est de nouveau l’observation clinique du couple en crise. Avec Sandrine Bonnaire, Michel Piccoli et Sabine Azema, Doillon a ensuite réalisé «La puritaine», un coup de foudre pour beaucoup au Festival de Venise 1986. Et aussitôt, cet homme qui désespérait de refaire un jour du cinéma a enchaîné avec «Comédie !», qu’il vient d’achever avec Jane Birkin et Alain Souchon. Doillon est à coup sûr à coup sûr un de nos cinéastes les plus importants. On aimerait parfois qu’il se libère de ses démons, qu’il revienne à ses premières amours, qu’il échappe à la tragédie perpétuelle. Mais il a l’obstination opiniâtre de ceux que rien ne distrait de leur voie — une démarche qui nous a quand même valu plusieurs chefs-d’œuvre.

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