Le fantastique en documents

«L’homme est le seul être vivant qui peut tuer par plaisir et mourir par cupidité.» Cette phrase du grand savant et philosophe américain Samuel Stone, reflète parfaitement ce qui se passe sur notre planète depuis que l’homme est homme. L’autodestruction latente qui régit notre vie se traduit même dans la part de rêve qui nous occupe quotidiennement. Le cinéma, la télévision et la vidéo se font, depuis des lustres, les apôtres bienveillants (et parfois malveillants) d’une fiction qui illustre de manière imparfaite une réalité violente, implacable et insoutenable, toujours… inhumaine. L’imagination devient alors la pâle image d’une réalité autrement douloureuse. Même lorsqu’on nous montre le réel dans son état le plus brut, sous forme de reportages (diffusés généralement à 20 heures, la plus importante heure d’écoute), on ne peut s’empêcher inconsciemment de le nier, presque de le transformer en fiction lointaine.

Mais, en même temps, la nature humaine a une telle volonté morbide qu’elle a toujours besoin d’étancher sa soif de souffrance et surtout de mort, la seule notion abstraite qui demeure. A travers le fantastique (décrit par ailleurs dans toute sa «splendeur» dans ce numéro), le cinéma a fouillé nos âmes jusqu’au tréfonds. La vidéo nous apporte, sous forme de documents, un complément plus véridique à cette fiction trop réelle pour être honnête. Jetons d’abord un coup d’œil mi-amusé, mi-pathétique sur le monde des monstres. Les hommes, et depuis peu les femmes, tentent avec succès de se former un nouveau corps. Il n’est pas question là de la chirurgie esthétique, besoin souvent vital de devenir «beau» dans le sens de la norme plastique ayant cours dans notre civilisation. Je veux évoquer plutôt cette forme étrange et douloureuse de remise «en formes» qu’est le bodybuilding. La dernière cassette du genre, éditée par Proserpine, nous montre une série de corps surdimensionné qui ont pour noms Tom Plats, Lee Haney ou Caria Temple, des champions de la spécialité. C’est un défilé «gracieux» de musclés en tout genre qui font passer Woody Allen pour un extra-terrestre.

Ces forcenés de la gonflette devraient visionner avec attention un programme terrible, édité par Delta Vidéo et intitulé «Je ne suis pas un monstre». Pendant 60 minutes, on voit défiler toute une série de personnages que l’on appelait, dans les spectacles d’antan, des attractions de foire. Apparaissent tour à tour, devant nos yeux ébahis, un véritable «éléphant man», Une femme pesant 369 kilos, un homme-tronc, une femme à barbe, un homme à la tête de lion, des frères et des sœurs siamois, l’homme le plus petit du monde (52 centimètres), un homme à deux têtes, etc. Le plus pathétique de ces «monstres» est sans doute le jeune Mickey, quatorze ans, qui souffre de vieillissement précoce et qui a le visage d’un vieillard. Croyez-moi, vous n’oublierez pas de sitôt ces portraits. Dans un genre plus « psychologique», il ne faut surtout pas omettre les monstres qui ont sévi pour le malheur des peuples et qui ont sur les mains tant de sang que quelques cassettes ne suffisent pas à décrire les atrocités qu’ils ont commises. Pour information, et surtout pour mémoire, on peut découvrir la série des Chocs du siècle, d’Hachette/Film Office, et plus particulièrement la cassette sur Mao et celle sur les dictateurs. On peut frémir aussi aux images de «Staline» (Scherzo), du programme, en deux cassettes, «De Nuremberg à Nuremberg » (Editions Montparnasse) et plus encore d’« Hitler, une carrière» (Fil à Film) et «La chute d’Hitler» (Fil à Film). Tous ces remarquables documents nous font toucher… des yeux l’atroce réalité du pouvoir aux mains de psychopathes mégalomanes et paranoïaques comme peut en sécréter notre monde dément.

Aujourd’hui, quelques spécimens dangereux font leur apparition ici et ailleurs (suivez mon regard) et il faut être d’une extrême vigilance. Mais dans ce cas encore, la violence et la mort peuvent nous paraître lointaines, historiques, déconnectées du quotidien. Cette rupture morale peut expliquer, en grande partie, le décalage qui existe (et l’actualité en fait la preuve tous les jours) entre ceux que l’on appelle les politiques et, par exemple, les habitants d’une HLM à Sarcelles OU à Aubervilliers. Ces derniers côtoient la violence tous les jours, les autres l’appréhendent de loin et la plupart du temps, la provoquent, volontairement ou pas. Les politiques, je ne les engagerai jamais suffisamment à voir la série des «Face à la mort» (les deux premiers édités par MPM et le troisième par Fip). Ces trois programmes, déconseillés absolument aux âmes sensibles (pas à eux donc), sont ahurissants de violence et de cruauté. Le titre original du premier volet est plus proche de ce qui nous est montré dans ces films («Faces of death» les visages de la mort).
Faces of deathCar nous avons droit aux images de tout ce qui se fait en la matière. On passe allègrement d’une autopsie détaillée à la corrida, de toutes les formes de chasse possibles et imaginables à la dégustation de cervelle de singe vivant, de la mort d’un homme politique ou d’un psychopathe, poursuivi par la police en direct, aux dernières minutes d’un condamné à mort, etc. En bref, rien ne nous est épargné. Les mille autres joyeusetés du même acabit qui sont proposées ne devraient avoir qu’un but : rendre tout le monde pacifique. En 295 minutes et trois cassettes, le vidéophile en prend pour toute la vie et toute… la mort. Passons maintenant à un aspect, disons plus léger, de la réalité monstrueuse. Les éditeurs de cassettes X s’en sont donnés à cœur joie pour nous trouver des bizarreries en tout genre concernant aussi bien les acteurs et actrices que les actions filmées. On vous laisse le choix de vous procurer à l’étranger toutes les cassettes les plus dégueulasses interdites en France et, pour le reste, de consulter nos pages de nouveautés X.

Il faut, à notre corps défendant, tout de même évoquer quelques trouvailles capables de satisfaire une certaine clientèle. Citons en vrac «Fat marnas» (MVD) et « Elephant mamas » (Lucy) pour les amoureux de grosses, très grosses actrices: «Lily pute» (Punch Vidéo) et «Le nain l’avait grosse» (Obsession) pour les fans de miniatures: « Freaks» (plus édité, encore disponible dans certains vidéoclubs), «Sex freaks» (Electric Blue), «Sex horror show» 1 et 2 (la première est en attente de réédition et la deuxième sera disponible bientôt dans la collection Bizzar) ; ces quatre programmes, dans le genre hard crad avant la lettre, faisant la part belle aux bizarreries multiples et variées tant en matière d’acteurs que de fantasmes. Bon, n’en jetez plus la cour est pleine, direz-vous. Ce n’est pas ce que pensent les créateurs d’un nouveau service Minitel, le 36.15 Bizar. Ce service a pour objectif de « mettre en rapport tous les individus et tous leurs désirs… quels qu’ils soient.» En dehors de cette messagerie, le 36.15 Bizar propose également une panoplie de services comme un catalogue de films bizarres dans tous les genres (du policier au X) à commander directement, un catalogue de livres plus bizarres les uns que les autres et un dictionnaire bizarre qui regroupe tous les mots importants concernant la sexualité, l’Histoire, la psychanalyse, la philosophie, etc. A l’opposé de ce Minitel plus bizarre qu’étrange, je voudrais conclure avec une expérience télévisuelle plus douce et surtout plus merveilleuse qu’horrifique. Par l’intermédiaire de FR3, la Sept a proposé, il y a quelques mois, une série de six courts métrages intitulée «L’autre côté, les documents interdits».

C’est Jean-Teddy Abdy-Philippe qui a parcouru le monde entier pour retrouver ces documents fantastiques dont on attend une nouvelle série en septembre 1991. En voici un exemple. En 1943, un soldat italien est en permission dans une petite ville de Sicile. Botaniste éclairé, il passe son temps à filmer toutes les sortes de fleurs et même quelques personnes, plutôt hostiles, qui passent dans son entourage. Il effectue un long mouvement avec sa caméra amateur lorsqu’il aperçoit, sur une plage, une femme et un enfant qui sortent de l’eau. Le soldat descend sur la plage et filme une scène extraordinaire : la femme et l’enfant entrent dans l’eau et disparaissent. Quelques instants plus tard, l’homme place la caméra sur le sable pour se filmer. Il pose un petit carnet et .s’enfonce à son tour dans l’eau. Il disparaît définitivement… Voilà une histoire fantastique, d’une autre dimension, qui pourrait aller à l’encontre de la fameuse devise de Samuel Stone citée en début d’article : « L’homme est le seul être vivant qui peut tuer par plaisir et mourir par cupidité.» Sauf si je vous dis que Samuel Stone n’a jamais existé et que c’est moi qui ai inventé cette phrase… et peut-être même tout cet article.

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